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Impartialité, ou (mieux) multipartialité ?

Confidentialité, informalité, indépendance, neutralité et impartialité, tels sont les principes qui guident la pratique de l'ombud. Je vous ai déjà parlé dans plusieurs articles[2] de mon expérience concernant l'application de ces principes.

J'ai maintenant une certaine expérience du rôle d'ombud au CERN, et je voudrais revenir sur les notions de neutralité et d'impartialité, en vous proposant une approche un peu différente de l’intégration de ces principes dans mes fonctions d'ombud.

L'ombud doit, c’est son rôle, se montrer neutre, ce qui signifie que l'ombud ne saurait participer à une action susceptible de créer un conflit d'intérêt. Cette neutralité est rendue possible, dans une large mesure, par l'indépendance de sa fonction.

L'impartialité, en revanche, consiste en une absence d'a priori. Il s'agit de ne pas favoriser les intérêts d'une partie au détriment de l'autre.

L'exigence d'impartialité ne signifie pas que l'ombud doit s'abstenir d'avoir des opinions personnelles ou de sympathiser plus avec une des parties qu'avec l'autre. L'idée est plutôt que l'ombud doit éviter de se laisser influencer par ces préférences et doit faire la part des choses entre ses opinions personnelles et son analyse d’une situation conflictuelle.

Quand j'ai pris mes fonctions d'ombud, j'ai trouvé que le principe d'impartialité était le plus difficile à appliquer. Non seulement nous avons tendance, en tant qu'êtres humains, à choisir notre bord, mais l'idée même de refuser de choisir éveille parfois les soupçons. De plus, j'avais l'impression que l'impartialité m'imposait de prendre mes distances avec les deux parties et d'ériger une barrière entre eux et moi.

Récemment, j'ai découvert une nouvelle notion : la multipartialité. Cela consiste à s'impliquer activement tout en maintenant une position équidistante entre les parties. Et cela me plaît beaucoup. Au lieu de m'efforcer de ne prendre le parti de personne, être « multi-partiale » signifie que je prends le parti de chacun, à parts égales, et que je m'implique activement – avec mon intellect, mes émotions, mon énergie, mes connaissances et mes compétences – avec chacun, à égalité.

Dans la vaste majorité des conflits dont me font part mes visiteurs, je n'ai accès qu’à la perception qu’ils ont de la situation, car il est rare que je rencontre l'autre partie.

Cependant, il peut arriver que les deux parties au conflit viennent, séparément, discuter avec moi de la même situation, sans savoir, l'un comme l'autre, que j'ai entendu l'autre version de l'histoire. 

Ces situations sont l'occasion idéale pour l'ombud de s'appliquer pleinement le principe de la multipartialité. C'est étonnant de voir comme la même situation peut être décrite de façon complètement différente par les deux parties. Les deux tableaux, souvent, ne se recouvrent, partiellement (dans le meilleur des cas) que sur quelques faits ; en effet, une partie à un conflit a tendance à ne pas retenir l’intégralité des informations factuelles. Les sentiments, les émotions exprimés par une partie sont souvent compris de travers par l’autre partie.  Les mots sont mal interprétés, les intentions supposées sont différentes de la réalité.  De plus, l’impact de la situation décrite sur l’autre partie est totalement passé sous silence.

Quand deux parties à un conflit ont convenu d’engager une médiation avec l’ombud, très souvent, cela les amène à se rendre compte du fait qu’elles ont vécu la même situation de façon tout à fait différente, et que c’est de ce malentendu que viennent leur colère, leur amertume et leur perplexité.

Mes a priori personnels viennent de mon expérience, de mon histoire et de mon tempérament. L’impartialité, si on la définit comme absence absolue d'a priori, peut être un exercice bien difficile. Par exemple, je peux me braquer rapidement face à des remarques sexistes ou à une mauvaise foi flagrante.

La multi-partialité, au contraire, me permet de m'impliquer activement avec chaque partie tout en maintenant une position équidistante des deux.

En cette période de fin d'année, je voudrais vous remercier, vous qui lisez ces lignes, pour votre intérêt pour le mot de l'ombud.  Je vous souhaite une pause de fin d'année réparatrice, en compagnie de vos proches, et je me réjouis d'avance de vous retrouver tous et toutes en 2024 avec une énergie renouvelée !

Je voudrais aussi vous informer que, en raison de mon départ à la retraite au printemps prochain, un avis de vacance de poste pour la fonction d'ombud a été publié. Si le poste vous intéresse et que vous souhaitez me rencontrer pour discuter avec moi des multiples facettes de ce rôle , n'hésitez pas à me contacter  !

Laure Esteveny

J’aimerais connaître vos réactions et vos suggestions : rejoignez l’équipe Mattermost de l’ombud du CERN à l’adresse suivante : https://mattermost.web.cern.ch/cern-ombud/.

Pour en savoir plus sur le rôle de l’ombud au CERN et comment le contacter, rendez-vous sur https://ombuds.web.cern.ch/fr.