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L'écoute active – de l'éponge au trampoline

Linda* fait un effort conscient pour pratiquer l'écoute active lors d'une discussion avec Igor*. Elle dégage du temps pour cette discussion et écarte toute source de distraction. Elle écoute attentivement ce que dit Igor, en hochant la tête pour montrer qu'elle comprend et que son cerveau enregistre ce qui est dit. Elle pense même à reformuler afin de montrer qu'elle a saisi le message. Elle rebondit ensuite sur ce qu'a dit Igor et donne des exemples s'appuyant sur sa propre expérience.

Malgré tous les efforts de Linda pour pratiquer une écoute active, Igor sort de cette discussion en ayant l'impression de ne pas avoir été écouté et n'est pas loin de se sentir rejeté. Que s'est-il passé ?

Dans cet article, je voudrais vous montrer la difficulté de l'écoute active, et vous donner quelques éléments pour améliorer cette compétence.

Revenons à la base : l'écoute active consiste, non seulement à entendre ce que quelqu'un est en train de dire, mais aussi à capter les pensées et les affects de l'interlocuteur. Pratiquer l'écoute active, c'est transformer une discussion en une interaction dynamique, non compétitive et bilatérale.

Chaque personne a un style d'écoute qui lui est propre :

  • L'écoute pragmatique est focalisée sur un transfert efficace des informations importantes.
  • L'écoute analytique implique une analyse du problème.
  • Dans l'écoute relationnelle, la personne qui écoute s'efforce d'établir un lien et de réagir aux émotions exprimées par l'interlocuteur.
  • L'écoute critique comprend un jugement sur le contenu des propos et, éventuellement, sur l'interlocuteur.

Je dois reconnaître que, dans mes interactions au jour le jour, mon écoute est un mélange d'écoute analytique et d'écoute critique, et cela découle essentiellement des fonctions que j'ai exercées auparavant. Cependant, dans mes fonctions d'ombud, je fais un effort conscient pour pratiquer l'écoute active lorsque mes interlocuteurs m'exposent les situations difficiles où ils se trouvent.

L'écoute active requiert un effort conscient et volontaire sur trois niveaux :

cognitif : il faut consacrer toute son attention à ce que l'autre personne est en train de dire, soit explicitement, soit implicitement, et il faut comprendre et assimiler cette information.

émotionnel : il faut gérer ses propres émotions pendant la discussion. Au cours d'une discussion, on peut se sentir envahi par de multiples émotions : enthousiasme, surprise, excitation, mais aussi irritation, ennui,  et même colère. Il faut avoir conscience de ses propres émotions, qui n'ont pas leur place dans l'écoute active.

comportemental : il faut manifester, par des moyens verbaux et non verbaux, son intérêt et sa compréhension.

En tant qu'ombud, j'aime beaucoup la métaphore du trampoline[1] concernant l'écoute active, et je m'y retrouve totalement :

« Vous n'êtes pas une éponge qui se contente d'absorber les informations. Pensez plutôt que vous êtes comme un trampoline, qui apporte énergie, accélération, hauteur et ampleur aux pensées de la personne qui s'exprime.

Cependant, il n'est pas simple de passer de la simple absorption d'informations (style éponge) à une interaction qui va aider votre collègue à abandonner une vision des choses inefficace et, littéralement, à rebondir. Pour passer au style « trampoline » et arriver à écouter activement les propos de l'interlocuteur, vous pouvez vous poser les questions suivantes :

  • Pourquoi, en cet instant, dois-je écouter ?

Réfléchir à la finalité de l'entretien, aussi bien pour vous que pour votre collègue, vous aidera à décider de l'approche à adopter dans le cas précis. L'empathie et la prise en compte des besoins de l'interlocuteur vous aideront à ajuster votre style d'écoute.

  • Quelle est la personne qui doit être au centre de l'attention ?

C'est là un autre écueil à éviter, particulièrement pour l'ombud. On est souvent tenté de citer des exemples tirés de son expérience personnelle, mais cette façon de faire détourne la conversation des besoins et des perceptions de votre interlocuteur. Il faut une certaine expérience pour résister à cette tentation, mais parler de sa propre histoire va à l'encontre de l'écoute active.

  • Est-ce que je suis réellement en train d'écouter ?

Très souvent, dans nos conversations courantes, nous pensons à ce que nous allons dire après notre interlocuteur, ou bien à la question que nous allons poser. Ce n'est pas de l'écoute. Parfois aussi, nous réfléchissons aux moyens de manifester notre attention : Est-ce que je dois hocher la tête ? Décroiser les bras ? Sourire ? Me pencher en avant ? Et ainsi de suite... Là aussi, il n'y a plus aucune écoute.

  • Est-ce que je suis toujours en train d'écouter ?

En particulier dans les cas où l'interlocuteur se montre bavard, on a tendance à estimer qu'on en a assez entendu pour se former une opinion, à arrêter d'écouter, et à jeter subrepticement un coup d'oeil à son smartphone. Autant dire qu'on écoute plus, alors que l'interlocuteur peut être en train de dire quelque chose de crucial, qui pourrait aider à débloquer la situation.

  • Il y a quelque chose que mon collègue ne me dit pas, de quoi s'agit-il ?

L'écoute active implique de poser les bonnes questions, ce qui aidera l'interlocuteur à réfléchir au problème qu'il rencontre et à sa façon de l'aborder. Ces questions permettent aussi de faire surgir des indices non verbaux, qui peuvent révéler l'état d'esprit de l'interlocuteur (doutes, anxiété, sentiment de confiance, perplexité). Au vu de ces indices, il est ensuite possible d'adapter les questions.

Réfléchir à votre propre style d'écoute, et vous poser ces questions, vous aidera à pratiquer une écoute active efficace. Il faut beaucoup d'expérience pour bien pratiquer l'écoute active, mais votre interlocuteur retirera de l'entretien l'impression d'avoir été entendu et compris, ce qui est la première étape dans la recherche d'une solution. De plus, des études montrent que les personnes qui pratiquent l'écoute active sont jugées plus compétentes, plus sympathiques et plus dignes de confiance.

Pour finir, permettez-moi de vous souhaiter à tous et toutes une très heureuse année 2024, sous le signe de la santé et de la sérénité, et marquée par l'ouverture d'esprit, l'empathie et une véritable collaboration !

Laure Esteveny

* Les noms sont fictifs.

Le présent article s'inspire d'un article d'Amy Gallo publié dans la revue Harvard Business Review le 2 janvier 2024, intitulé : “What is active listening?”

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[1] “What great listeners actually do”, Jack Zenger etJoseph Folkman, Harvard Business Review, 14 juillet 2016