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Comment l’ombud peut venir en aide aux doctorants

Un article très intéressant, paru dans le Journal of the International Ombudsman Association (JIOA), a retenu mon attention. Publié en 2022, il évoque le rôle spécifique que l’ombud peut jouer dans le soutien aux étudiants en doctorat.

Ces deux dernières années, le CERN a accueilli chaque année plus de 230 doctorants* dans le cadre de son programme pour les étudiants en doctorat

Nombre d’entre eux sont venus me consulter en ma qualité d’ombud pour parler de diverses questions, le dénominateur commun à tous étant toutefois leur situation de grande vulnérabilité.

J'aimerais aborder ici la question de l’origine de cette vulnérabilité, de l'impact que cette vulnérabilité peut avoir sur les étudiants et leur parcours, et de l'importance de solliciter de l’aide sans attendre.  

Un étudiant en doctorat au CERN est rattaché à une université et bénéficie de deux superviseurs, l’un à l’université et l’autre au CERN. L'étudiant peut également avoir un superviseur au quotidien, auquel le superviseur CERN délègue une partie de ses responsabilités. Dans la plupart des cas, c’est le CERN qui fournit presque exclusivement un soutien financier aux étudiants participant au programme, et ce pendant 36 mois au maximum.

L’article du Journal of the International Ombudsman Association décrit certains des problèmes les plus courants rencontrés par les doctorants, du point de vue d’un ombud. Voici ceux dont j’ai été témoin :

Relations problématiques entre les superviseurs et les doctorants
En principe, le fait d’avoir deux superviseurs (l’un au CERN et l’autre à l'université) devrait signifier que l’un d’entre eux est toujours disponible, même lorsque la collaboration entre le doctorant et l'un des superviseurs est devenue difficile, voire ingérable.

Toutefois, l’implication du superviseur de l’université – souvent un professeur titulaire - est parfois sporadique. Dans ce cas, une mauvaise entente entre l'étudiant et le superviseur CERN, ou simplement un manque de disponibilité de ce dernier, peut devenir un problème majeur.

Planification et suivi insuffisants entre les superviseurs et les doctorants
Il est important d’avoir un plan de recherche clair et bien défini lorsque l’on commence un doctorat, ce qui est le cas pour la plupart des étudiants en thèse au CERN. L’absence d’un tel plan entraîne en effet des retards.

Au CERN, les étudiants en doctorat mènent leurs recherches principalement dans le cadre de grandes collaborations, ce qui leur permet de commencer leur travail dans un environnement de recherche déjà bien établi. Les étudiants d'autres disciplines devront peut-être se montrer plus proactifs dans la mise en place de leur environnement de recherche, ce qui peut retarder le bon déroulement de leur doctorat.

En outre, au CERN, on attend des doctorants qu’ils accomplissent des « tâches de service », c'est-à-dire des tâches qui ne sont pas directement liées à leurs travaux de recherche, de la même façon que leur université peut leur demander de prendre en charge certaines fonctions éducatives. Ce « temps de service », qui peut varier considérablement d'un poste de doctorant à l’autre et est une condition du financement accordé par le CERN, peut réduire le temps que les étudiants consacrent à leurs recherches.

Les doctorants se plaignent souvent auprès de l’ombud de ne pas voir assez souvent leurs superviseurs, aussi bien ceux du CERN que de l’université. Des réunions régulières, adaptées aux besoins des étudiants, sont importantes afin de les guider et de s’assurer qu'ils restent sur la bonne voie.

Les lignes directrices du CERN, destinées aux superviseurs de l’université, soulignent la nécessité de contacts réguliers entre l’université et les superviseurs CERN. Il y est également précisé que le groupe dont fait partie le superviseur CERN doit inviter le superviseur de l’université à venir au Laboratoire au moins deux fois au cours des 36 mois. Ces visites, et des contacts réguliers, contribuent à sensibiliser les superviseurs de l’université à l'environnement du Laboratoire et aux contraintes qui pèsent sur les superviseurs CERN. Le superviseur universitaire doit également veiller à ce que le doctorant respecte le plan de recherche et avance dans ses travaux.

Le manque de suivi du plan de recherche par les superviseurs et les doctorants peut entraîner des tensions dans les relations de travail et des inégalités entre les étudiants.

Compétences des étudiants en doctorat
Certains doctorants n’ont que peu ou pas d'expérience de la rédaction dans un contexte institutionnel. Le CERN propose une série de cours particulièrement pertinents pour les étudiants en doctorat. On peut citer « Convincing Scientific Presentations » ; « Fast Forward, the productivity system for researchers » ; « Resilience for Researchers ; et Scientific writing ».

Néanmoins, une mauvaise maîtrise des compétences requises, en particulier pour les étudiants dont l'anglais n'est pas la langue maternelle, peut également entraîner des retards.

Conséquences des retards
Un retard signifie que l'horloge tourne, principalement - mais pas seulement - au détriment du doctorant, et peut entraîner des problèmes psychologiques, ou liés au stress, tels que la dépression et le burn-out. Lorsque les retards prennent une telle ampleur qu’ils empêchent l'étudiant d’achever sa thèse dans les 36 mois durant lesquels il reçoit une allocation, des problèmes financiers peuvent survenir ; certains étudiants peuvent même être confrontés à des problèmes d'accès aux laboratoires, au matériel de recherche et aux équipements.

Comment l’ombud peut-il leur venir en aide ?
En cas de problème, il est essentiel que le doctorant sollicite de l'aide le plus tôt possible, avant que la situation ne devienne ingérable. Il existe plusieurs canaux de soutien :

Les coordinateurs du Département des ressources humaines sont à la disposition des doctorants pour les aider et trouver des solutions.

Les psychologues du CERN apportent un soutien lorsque les difficultés sont telles qu'elles peuvent avoir un impact sur la santé mentale de l’étudiant.

Dans certains cas, il est souhaitable que le doctorant puisse compter sur le soutien indépendant, informel, neutre et impartial d'un ombud, lequel est tenu à la plus stricte confidentialité. En cas de doute sur la personne à contacter, l'étudiant peut bien entendu s'adresser en premier lieu à l’ombud.

À condition qu’on le contacte dès l’apparition des premières difficultés, l’ombud peut jouer un rôle important grâce à l’écoute active, en fournissant des informations et en amorçant le dialogue entre le superviseur (du CERN ou de l’université) et l'étudiant, et en les aidant à trouver des solutions pour améliorer leur relation de travail.

Enfin, l’ombud peut servir de médiateur afin d’améliorer les conditions de travail et résoudre les conflits entre le ou les superviseurs et le doctorant et trouver des solutions rapides, équitables et bienveillantes.

Si vous êtes un doctorant, ou le superviseur d'un doctorant, et que vous rencontrez des difficultés dans votre relation de travail, en particulier si ces difficultés entraînent des retards dans le plan de recherche, je vous recommande de contacter sans tarder l’ombud du CERN, ou l’ombud de l'institut d'origine de l’étudiant, afin de discuter de la situation. En tant que ressource indépendante, impartiale, informelle et confidentielle, l’ombud est en mesure de vous aider efficacement.

Laure Esteveny

J’aimerais connaître vos réactions et vos suggestions : rejoignez l’équipe Mattermost de l’ombud du CERN à l’adresse suivante : https://mattermost.web.cern.ch/cern-ombud/.

Pour en savoir plus sur le rôle de l’ombud au CERN et comment le contacter, rendez-vous sur https://ombuds.web.cern.ch/fr.


*Source : HRT 11/9/2023