Le manque de soutien ressenti par les superviseurs est l’une des nouvelles tendances relevées l’année dernière par l’ombud, comme le souligne son Rapport annuel pour l'année 2022 :
« Les superviseurs, peu nombreux, qui viennent discuter avec l’ombud de difficultés d’encadrement se plaignent de ne pas être assez soutenus. Ils ont l’impression de devoir se débrouiller seuls quand ils doivent résoudre des conflits, répondre à des plaintes ou faire face à des problèmes de santé mentale tels que la dépression. »
Un article publié récemment dans la revue Harvard Business Review (HBR) donne matière à réfléchir sur la question. Il y est notamment indiqué que, selon le dernier rapport « Work Trend Index » de Microsoft, « plus de 53 % des superviseurs déclarent ressentir de l’épuisement professionnel au travail ». Je me propose de vous faire part de quelques observations intéressantes formulées dans cet article, en rapport avec que ce j’ai pu constater dans les situations qui m’ont été exposées.
Christina Maslach, pionnière dans la recherche sur l’épuisement professionnel, estime qu’il résulte d’un stress permanent et se traduit par une fatigue extrême, une attitude cynique et un sentiment d’insuffisance personnelle, ces trois éléments constituant les trois dimensions de l’épuisement professionnel.
Ces symptômes sont principalement dus à une charge de travail trop lourde, au manque d’autonomie, à un manque de reconnaissance des efforts fournis, à un sentiment d’injustice, à la perception d’un décalage entre les compétences et valeurs personnelles et celles promues au travail, et à un manque de soutien de l’entourage professionnel.
Si tous les employés sont susceptibles de se retrouver tiraillés entre une charge de travail importante et des ressources limitées, les superviseurs doivent non seulement s’acquitter de leurs propres tâches mais également faire en sorte que leurs collaborateurs puissent donner le meilleur d’eux-mêmes. Gérer une équipe requiert d’être en bonne forme. Si le superviseur est malheureux au travail, cela peut avoir une incidence sur l’équipe.
Il est intéressant de constater, bien que cela ne soit guère surprenant, que les superviseurs travaillant directement avec leurs collaborateurs ont plus de risques de se sentir épuisés et moins efficaces au travail que les supérieurs exerçant à un niveau hiérarchique plus élevé.
Certes, les superviseurs ont un rôle essentiel à assurer pour atténuer le risque d’épuisement professionnel au sein de leur équipe. Mais leur propre niveau de résistance est tout aussi important. L’article publié dans la revue HBR donne quelques outils efficaces pour aider les superviseurs à se protéger de l’épuisement professionnel :
Les superviseurs, à l’instar de tous les travailleurs, doivent établir un lien entre leur travail et ce qui compte et a du sens pour eux. Il est important qu’ils puissent discuter librement avec leurs supérieurs de ce qui leur apporte de l’énergie et donne du sens à leur travail.
Les superviseurs doivent pouvoir bénéficier de possibilités de formation et développement, essentielles pour leur redonner de l’énergie. L’offre en matière de formation et développement du département HR à l’intention des superviseurs est large et variée. Les personnes encadrant les superviseurs devraient s’efforcer de recueillir et de prendre en compte différents retours les concernant afin de se faire une idée exacte de leur performance et de les aider à mieux cibler leurs besoins et à évoluer, par exemple au moyen du coaching.
La flexibilité de l’organisation du travail est aussi cruciale pour les superviseurs que pour leurs collaborateurs. Pouvoir travailler de la façon qui leur convient le mieux, dans le cadre d’une élaboration collective du programme de travail de l’équipe, peut contribuer à réduire l’impression d’épuisement.
La sécurité psychologique, reconnue largement comme une condition préalable indispensable pour avoir des équipes performantes, est également nécessaire aux superviseurs. Ils doivent se sentir à l’aise quand ils parlent de leurs idées, de leurs interrogations, de leurs préoccupations et de leurs erreurs. Il est capital que le superviseur montre l’exemple en reconnaissant ses erreurs, en montrant sa vulnérabilité, en sollicitant la contribution de ses collaborateurs et en répondant de manière constructive aux avis exprimés.
Enfin, les superviseurs doivent « mettre d’abord leur propre masque à oxygène » avant de s’occuper de leurs collaborateurs et montrer l'exemple en prenant soin d’eux-mêmes. Recharger ses batteries, mais également fixer des limites et respecter les limites fixées par autrui, les aident à se préserver de l’épuisement professionnel.
C’est une tâche ardue que de fixer des orientations et de tirer parti du travail de ses collaborateurs tout en prenant soin d’eux et en gérant des exigences croissantes avec parfois un contexte de limitation des ressources. Les superviseurs, eux aussi, risquent l'épuisement professionnel. Ils ont besoin du soutien de leur hiérarchie, de l’Organisation, à travers son fonctionnement, et de leurs collaborateurs. Ils sont les bienvenus dans le Bureau de l’ombud !
Laure Esteveny
J’aimerais connaître vos réactions et vos suggestions : rejoignez l’équipe Mattermost de l’ombud du CERN à l’adresse suivante : https://mattermost.web.cern.ch/cern-ombud/.