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S’exprimer ou se taire

Récemment, dans l'article « Non, ne faites rien », j'évoquais le fait que les personnes qui viennent me voir m'autorisent rarement à intervenir, autrement que dans le cadre de notre discussion, pour les aider à résoudre le problème auquel elles sont confrontées. 

Si on leur demande la raison de leur réticence, elles disent craindre des conséquences négatives sur leur carrière ou leur relations professionnelles. Elles estiment aussi parfois que cela ne servirait à rien ; en d'autres termes, elles pensent que s’exprimer sur un problème ne fait pas avancer les choses.

Certes, la notion d'environnement psychologiquement sûr s'applique principalement à la collaboration au sein d’une équipe ; néanmoins, je vois une similitude dans les éléments qui peuvent entraîner une réticence à s'exprimer sur les relations interpersonnelles. 

Un environnement psychologiquement sûr est un environnement dans lequel on sait que personne ne sera puni, exclu ou humilié pour avoir été en désaccord avec les autres, posé des questions, proposé des idées, fait part de préoccupations ou reconnu des erreurs* .

Quand Michel*, au sein d'une équipe, d'une section ou d'un groupe, envisage de parler d'un problème, un calcul s'opère dans son cerveau - en partie inconsciemment - avant qu'il ne décide de s'exprimer ou de se taire. Il se demande : Pour qui est le bénéfice ? À quel moment le bénéfice peut-il se concrétiser ? Quelle est la probabilité que ce bénéfice soit réel ? 

Ce calcul peut être résumé dans le graphique ci-dessous : 
 

Choix

Pour qui est le bénéfice ?

À quel moment le bénéfice peut-il se concrétiser ?

Quelle est la probabilité que ce bénéfice soit réel ?

Je prends la parole

Pour l’Organisation

Dans le futur

Incertaine

Je me tais

Pour moi

Maintenant

Certaine

 

Autrement dit, Michel arrive rapidement à la conclusion que se taire lui sera très probablement bénéfique dans l'immédiat, alors que s'exprimer pourrait, éventuellement, être bénéfique pour l'Organisation à moyen ou à long terme. Très souvent, il choisira de ne rien dire. 

Pourtant, les équipes dont les membres ne s'expriment pas arrivent moins bien à innover et à s'améliorer au fil du temps. En outre, ne pas s'exprimer génère de la frustration, laquelle se manifestera un jour d'une façon ou d'une autre. 

C'est le même choix (s'exprimer ou se taire) qui s'opère lorsque je propose à la personne qui est venue me voir d'entreprendre une action, comme contacter l'autre partie, organiser une médiation, etc. Il est rare qu'elle accepte. En somme, l’idée sous-jacente est que personne ne s’est jamais fait mettre à la porte pour n’avoir rien dit. 
 

Si vous souhaitez en savoir plus sur les bienfaits pour les membres d'une organisation d’un environnement psychologiquement sûr, Je vous invite à revoir l'excellent webinaire de Camilo Azcarate, ombud de l'ESO : https://indico.cern.ch/event/1164651/.

Dans notre calcul des bénéfices relatifs du silence et de la prise de parole, nous devons arriver à faire davantage pencher la balance vers la prise de parole. Les problèmes évoqués de manière honnête, respectueuse et constructive, dans le cadre approprié, devraient avoir de meilleures chances d’être traités rapidement, dans l'intérêt de tous  ̶  membres du personnel et Organisation.

Laure Esteveny

* The Fearless Organization (L’entreprise sereine), Amy C. Edmondson, 2019

** Prénom fictif

J’attends vos réactions : n’hésitez pas à m’envoyer un message à ombud@cern.ch. De même, si vous avez des suggestions de sujets que vous aimeriez voir traiter, n’hésitez pas à m’en proposer. 

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