View in

English

La valse des étiquettes

Katarina* ne sait pas quoi faire : elle souffre d’un problème de santé chronique et son médecin lui recommande de prendre un congé pour raison médicale afin d’améliorer son bilan de santé. Au CERN, elle fait partie d’une équipe dont le planning est très serré, et les objectifs ambitieux. Elle est très inquiète que son absence impacte ce planning et oblige ses collègues, avec qui elle forme une équipe soudée, à compenser son absence.
Mais ce qui l’inquiète encore plus, c’est d’évoquer ses problèmes de santé avec sa hiérarchie, et d’être étiquetée « personne à problèmes ».

Tobias* est très inquiet du niveau des ressources qui lui sont allouées pour remplir son mandat. Il a essayé à plusieurs reprises d’attirer l’attention de sa hiérarchie sur les conséquences de ce manque de ressources pour cette activité que l’Organisation considère comme stratégique. Jusqu’à présent visiblement sans effet. Désormais, Tobias n’en parle plus, car il craint d’être étiqueté comme râleur, personnalité difficile, « personne à problèmes ». 

Ioannis* a souffert d’épuisement professionnel et a dû prendre un congé pour raison médicale pendant une période prolongée. Il est sur le point de retourner au travail, et son souci principal est d’être étiqueté comme « personne à problèmes », à court mais aussi à long terme. Ioannis pense que cette période difficile peut faire obstacle à une mobilité interne ou à une prise de responsabilités.

Linda* a des relations compliquées avec son superviseur. Leurs deux caractères sont très opposés et leurs visions des priorités ne concordent pas. Des échanges assez vifs ont eu lieu en réunions. Alors que Linda a jusqu‘ici eu un parcours professionnel exemplaire, ces difficultés de communication avec son superviseur actuel lui font craindre d’être désormais, étiquetée comme « personne à problèmes ». 

Ces quatre collègues ont en commun la crainte d’être étiquetés négativement et redoutent que cette étiquette nuise à leur carrière au sein de l’Organisation. 

Mais qu’entendons-nous par « personne à problèmes » ? 

S’il s’agit d’une personne impactée par les aléas de la vie en général, et/ou de la vie au travail en particulier, qui passe par des moments où ses ressources personnelles font défaut, alors nous sommes tous et toutes des « personnes à problèmes », car cela nous arrivera à un moment ou à un autre. 

S’il s’agit d’une personne qui s’exprime sur des craintes, des risques, et qui témoigne ouvertement et constructivement de faiblesses dans nos processus, alors nous avons besoin de cette « personne à problèmes » car elle peut envoyer de précieux signaux d’alerte et révéler des dysfonctionnements. 

Enfin, s’il s’agit d’une personne qui a du mal, dans un contexte particulier, à communiquer sur ses idées, ses différences de vues, le fait de l’étiqueter négativement privera la communauté d’une vision différente des enjeux du travail. Cette personne n’est pas « à problèmes », mais, pour peu que la communication avec son superviseur s’améliore, elle est une source d’idées. 

L’article sur l’effet de halo, paru dans le Coin de l’ombud en 2017, abordait, sous un autre angle, très utile, le problème des étiquettes. Je vous encourage à le lire, voire à le lire de nouveau.

Essayons de ne pas participer à cet impitoyable « étiquetage » de nos collègues. Apprenons à les connaître, à connaître leurs forces et leurs faiblesses, et faisons-nous notre propre idée. Donnons-leur une chance d’être découverts pour ce qu’ils sont vraiment, et non pas pour ce qu’il se dit d’eux. 

Laure Esteveny

* Prénoms fictifs

J’attends vos réactions : n’hésitez pas à m’envoyer un message à ombud@cern.ch. De même, si vous avez des suggestions de sujets que vous aimeriez voir traités, n’hésitez pas à m’en proposer. 

NB : Si vous voulez rester au fait des publications, actualités et autres communications de l’ombud du CERN, abonnez-vous à CERN Ombud news.