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Sortir de sa zone de confort

Assumer de nouvelles tâches ou responsabilités peut parfois s'avérer difficile : cela nous oblige à sortir de notre zone de confort en nous exposant au regard de notre hiérarchie dans un domaine où nous ne nous sentons pas tout de suite à l'aise. Cela nous demande sans doute du courage et des efforts supplémentaires, mais l'enjeu est de taille car, en fin de compte, c'est ce qui nous permettra de progresser dans notre travail et d'exprimer pleinement notre potentiel.

Sarah félicite Daniel et Pierre, deux membres de son équipe, pour avoir réussi à fabriquer un équipement extrêmement complexe, et ce, dans les temps et à l'entière satisfaction des clients.

Pierre, tapant Daniel dans le dos, lui dit : « Eh oui, on a réussi ! », mais ne s'attend pas à cette réponse sèche de sa part : « En tous cas, ce n'est pas grâce à ton attitude ». Pierre, dont le regard se fige, quitte alors la pièce, très choqué.

« Qu'est-ce qui se passe ? » demande Sarah.

Daniel explique à Sarah que Pierre n'a cessé tout au long du projet de récriminer, répétant constamment que l’équipe n’avait ni les ressources ni les compétences nécessaires pour réaliser le travail dans les délais, et qu’en même temps il a freiné la progression du projet en refaisant chaque test et en vérifiant tout plusieurs fois. « Je suis conscient que les techniques que nous utilisions étaient nouvelles pour lui, explique-t-il, mais son attitude n'a fait que compliquer les choses, pour lui également. Il doit prendre davantage confiance en lui. »

« Tu sais bien, Daniel, pourquoi il se comporte comme ça, dit alors Sarah, c'est sûrement un mécanisme de défense, parce qu’il se sent un peu dépassé. Tu fais la même chose finalement chaque fois que tu me demandes de te répéter les étapes de la procédure que nous devons suivre pour notre projet. »

« Mais, dans mon cas, c’est une procédure par étapes très détaillée, que j'ai tendance à oublier, tout simplement parce que je ne l'utilise pas au quotidien, répond Daniel. Je ne suis pas négatif, je veux simplement m'assurer que je fais les choses dans le bon ordre. »

« Comment se fait-il que tu oublies cette procédure alors que tu travailles tous les jours avec des algorithmes complexes ? Peut-être que, comme Pierre, tu te sens un peu dérouté par ce nouveau projet, qui sort de ton domaine habituel, et que tu ne veux pas prendre le moindre risque ? Ne crois-tu pas que l'attitude de Pierre et ce que tu appelles des "oublis" sont deux exemples du même problème ? »

Les mécanismes de défense décrits précédemment sont des stratégies que nous développons au fil du temps pour rester dans notre zone de confort et éviter de nous confronter à des situations nouvelles ou difficiles dans notre travail. Le fait de sortir de sa zone de confort au travail peut être déroutant, et provoquer de l’anxiété et de la gêne. Nos réactions de défense peuvent prendre alors différentes formes, par exemple le déni (« Je ne me rappelle pas »), la justification (« nous n'avons pas les ressources/les compétences ») ou la surcompensation (le fait de tester et vérifier maintes fois), ayant pour effet de limiter la performance et l'efficacité.

Même si ces mécanismes peuvent parfois s'avérer utiles, nous devons avoir conscience de leurs limites, et nous demander s'ils valent la peine d'être maintenus ou si, en fait, ils nous empêchent d'atteindre notre plein potentiel. Au bout du compte, ce ne sont là que des comportements appris, qui peuvent très bien être remplacés par d'autres ; la vraie question est de savoir si nous voulons sortir de notre zone de confort et nous donner les moyens d'évoluer dans notre travail.

Sudeshna Datta-Cockerill