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Quatrième lettre du pays des ombuds : témoin mais pas passif

Je rentre tout juste de la conférence annuelle de l'Association internationale des ombuds, où l'un des thèmes abordés était le rôle du témoin passif, à savoir la personne qui assiste à une situation inacceptable ou potentiellement toxique, et qui ne fait rien. Or, le simple fait d'être là a une incidence sur la situation.

Pourquoi la présence d'un témoin est-elle importante ?

  • Elle est importante parce que la personne qui est là a la possibilité d'agir.
  • Elle est importante parce que nous sommes des êtres sociaux, et que, de ce fait, il est de notre devoir de protéger les valeurs de la communauté.
  • Elle est importante parce que, que ce soit par notre action ou par notre inaction, nous avons une influence sur autrui, et que, en cas de désaccord ou de conflit, la simple présence d'un tiers a une incidence sur la dynamique de l'interaction.
  • Enfin, elle est importante parce que nous contribuons à créer la culture du milieu où nous évoluons, et que, par notre comportement, nous renforçons ou nous affaiblissons les normes de ce milieu.                       

Finalement, nous sommes tous des témoins à certains moments ; quand nous voyons un comportement inapproprié, à nous de tirer parti de cette position de témoin pour avoir une influence positive. Il nous faudra avoir la volonté d'influer sur les situations, et surmonter nos réticences, ce qui ne nous empêche pas de bien réfléchir à ce qui constitue l'intervention la plus appropriée dans une situation donnée.    

Mais pourquoi les témoins restent-ils parfois passifs ?  Qu'est-ce qui  nous arrête alors que nous pourrions agir ? Peut-être la crainte de se trouver mêlé à quelque chose qui ne nous regarde pas - c'est du moins ce que nous nous disons - ou le sentiment de ne pas avoir la capacité ou les moyens d'intervenir. Ou bien la situation paraît ambiguë, ou il semble que d'autres personnes sont mieux placées pour agir. Peut-être avons-nous peur des conséquences possibles, ou craignons-nous des retombées négatives pour nous-mêmes.

Toutes ces craintes peuvent être légitimes, mais elles ne doivent pas nous empêcher d'agir, en particulier quand d'autres ont besoin de nous.  Il est donc important de comprendre et de prendre en compte nos motivations intérieures afin de pouvoir surmonter nos réticences et choisir d'affirmer notre capacité de réagir, par un comportement approprié, dans les situations où des collègues se trouvent en difficulté. Cela fait, nous serons mieux à même de remarquer ces situations, de les analyser pour décider si notre intervention est nécessaire, et de déterminer s'il vaut mieux agir directement ou passer par les intermédiaires appropriés.

Dans les bureaux des ombuds, partout dans le monde, on entend ceci : « C'était très difficile pour moi de devoir réagir à ce comportement déplacé (ou à cette plaisanterie, à cette remarque...), mais ce que j'ai trouvé le plus pénible, c'est que personne n'a rien dit... » Quand on est témoin, parfois il faut agir. Comme l'a dit Martin Luther King : « À la fin nous nous souviendrons, non pas des mots de nos ennemis, mais du silence de nos amis. »

Sudeshna Datta-Cockerill