Le déferlement de réactions et de témoignages suite à l’affaire Weinstein m’a fait réfléchir à une réalité parfois camouflée : le harcèlement sexuel.

« J’étais boursière depuis six mois, et devais partir en conférence avec mon collègue. C’était un ingénieur qui avait l’âge de mon père, qui était unanimement respecté par ses pairs et qui jouissait d’une solide réputation dans son domaine. Le soir de notre arrivée à l’hôtel, il m’invite à dîner, et multiplie les gestes non équivoques, tout en adoptant une attitude paternaliste. »

Bien sûr, le CERN n’est pas Hollywood avec ses enjeux économiques colossaux et ses patrons omnipuissants. Mais rien ne nous permet de dire qu’il n’y ait pas de comportements déplacés ou sexistes au CERN, voire de harcèlement sexuel, comme dans tous les secteurs de la société. La personne qui se rend coupable de ce genre de comportement a souvent un rapport de pouvoir sur vous, c’est par exemple votre chef direct ou quelqu’un dont vous dépendez pour atteindre vos objectifs. Même si des hommes peuvent être touchés, les victimes sont le plus souvent des femmes. C’est pourquoi je prendrai l’exemple d’une femme dans la suite de l’article.

Comment repérer les indices ?

Il ne s’agit bien sûr pas de verser dans la paranoïa. Néanmoins, si vous constatez certains actes susceptibles de dégénérer en harcèlement, restez en alerte. Ainsi vous ne serez pas prise au dépourvu. Les exemples qui suivent peuvent paraître exagérés, mais ils sont basés sur des témoignages de victimes de harcèlement :

• Le service où vous travaillez est régulièrement le cadre de plaisanteries sexistes.
• Votre chef ou vos collègues commentent ouvertement votre tenue vestimentaire.
• Votre supérieur vous fait fréquemment des petits cadeaux, sans motifs, ou vous fait bénéficier d’avantages ou de privilèges injustifiés et vous êtes la seule de l’équipe à bénéficier de ses largesses.
•  Votre supérieur vous invite régulièrement au restaurant en tête-à-tête, ou vous propose de prendre un jour de congé ensemble pour vous montrer un coin sympa à Genève.
• Vous recevez régulièrement des compliments dont vous seule faites l’objet, sans qu’il y ait une raison objective.
• Votre supérieur commence à vous faire des confidences sur sa vie intime, et vous encourage à vous confier à lui.

Comment devez-vous réagir ?

Essayez d’abord de régler le problème tout de suite et en direct avec la personne qui vous importune. Faites-le d’une façon objective et calme, mais sans équivoque.

« Jusqu’ici, j’ai beaucoup apprécié notre relation de travail. Je ne me sens cependant pas du tout à l’aise lorsque vous venez derrière moi dans mon bureau, et que vous vous approchez de moi pour regarder ce que je fais par-dessus mon épaule. Je vous serais reconnaissante de ne plus faire ce geste. »

Si cela ne donne pas de résultat, dites-lui que vous allez en parler à sa hiérarchie. Quand vous accomplirez cette démarche, exigez un délai de réponse : la hiérarchie a l’obligation de protéger votre intégrité et de prendre des mesures.

Notez scrupuleusement tous les faits et gestes qui vous importunent. Cela aura déjà la vertu de vous faire prendre du recul, mais surtout, cela vous sera très utile pour étayer vos dires au cas où vous devriez porter l’affaire plus loin.

Parlez-en à des personnes en qui vous avez confiance. Vous découvrirez peut-être que vous n’êtes pas la seule ; il est plus facile d’entreprendre des démarches à plusieurs.

Si tout cela ne donne aucun résultat, il faudra malheureusement vous résoudre à entreprendre des démarches plus formelles.

Je vous recommande la lecture du livre de Véronique Ducret, Qui a peur du harcèlement sexuel ?  éditions Georg Editeur, qui sera bientôt disponible à la bibliothèque du CERN.

Vous pouvez aussi lire un article précédent sur le harcèlement sexuel.

Si le sujet vous intéresse, faites-le moi savoir, et je publierai plus de conseils sur mon blog.

Pierre Gildemyn