View in

English

Managers abrasifs : fatalité ou opportunité ?

« Les meilleurs moments ont lieu quand Bjorn* est absent. Alors seulement, on peut respirer et on ne doit pas constamment marcher sur des œufs. »

Bjorn est ce que l’on appelle un « manager abrasif ». Isabella*, qui occupait le poste avant lui, quand elle pensait que son équipe n’était pas à la hauteur, analysait la situation, essayait de trouver les causes du problème, et discutait avec les membres de son équipe pour qu’ensemble ils trouvent des solutions. Bjorn, lui, menace, crie, humilie, méprise, exagère et exerce son contrôle.

Pour essayer de remédier à une telle situation, il faut d’abord en comprendre l’origine. Bjorn craint que la sous-performance de son équipe soit imputée à son incompétence à lui. Il se sent menacé, a peur de perdre le respect de ses pairs ou de sa hiérarchie, et adopte une attitude défensive. Pourquoi ne peut-il pas réagir comme le faisait Isabella ? C’est très simple : personne ne lui a jamais montré que l’on peut faire autrement. Peut-être a-t-il lui-même eu affaire à un manager abrasif au début de sa carrière. Peut-être a-t-il grandi dans un environnement où les sentiments étaient ignorés. Il reproduit donc un schéma, faute d’en connaître un autre, plus constructif. Il a ainsi passé des années à gérer des objectifs, pas des femmes et des hommes, et surtout pas leurs sentiments !

Pensez-vous que Bjorn agisse de la sorte intentionnellement, dans le but de nuire à son équipe ? Rien n’est moins vrai. Le plus souvent, il ne voit pas les dégâts qu’il cause à son l’équipe : confiance ébranlée, crainte, inhibition, manque d’initiative, voire mutation dans d’autres équipes. 

Que faire face à un manager abrasif ? Ne pas se battre sur la base des faits, il aura tôt fait de les nier ou de les minimiser : « Ne vous en faites pas, les membres de mon équipe me connaissent. Ils savent que c’est ma façon de faire. Demain ils n’y penseront déjà plus ! »Il faut commencer par le confronter aux sentiments de son équipe, et les lui présenter comme une réalité : « Bjorn, peut-être n’avais-tu pas l’intention de menacer les membres de ton équipe, mais le fait est qu’ils perçoivent tes paroles comme une menace, et qu’ils sont paralysés par la crainte. »Ensuite, il faut lui faire prendre conscience des avantages d’un changement de comportement :« La peur que tu inspires à ton équipe est un frein à sa performance. Si tu parviens à en identifier la source, tu peux l’éliminer et ainsi augmenter l’efficacité de l’équipe. »Si, malheureusement, personne ne parvient à lui ouvrir les yeux, il faudra prendre d’autres mesures car ce style de management n’est plus toléré au sein de l’Organisation. 

Par crainte, les victimes ou témoins d’un management abrasif interviennent rarement. Si vous êtes dans cette situation, il faut demander de l’aide. Sachez qu’en tant qu’ombud j’ai la possibilité, sous certaines conditions, de mener des actions pouvant apporter une solution satisfaisante pour tout le monde. 

Pierre Gildemyn

 

*Noms d'emprunt

Si vous souhaitez réagir à mes articles, n’hésitez pas à m’envoyer un message à Ombuds@cern.ch. De même, si vous avez des suggestions de sujets que je pourrais traiter, n’hésitez pas non plus à m’en proposer.